Ce post est un peu spécial. J’ai envie de partager avec vous les trois jours les plus étranges de ma vie. Ceux que je viens de vivre.
14 mars 2020. Samedi matin. Je me réveille en forme et de bonne humeur, comme la plupart du temps. On commence à entendre les petits oiseaux chanter le matin dans le jardin, ça sent le printemps, c’est agréable. Je ne suis pas allée m’entraîner au tennis, car en ce moment je soigne une épicondylite, un tennis elbow, quoi. Deux séances de kiné par semaine, j’ai dû me résoudre à mettre mon bras au repos. De ce fait, j’ai décidé de me remettre au jogging, et comme je n’avais plus de baskets, direction le magasin de sport en Belgique, à Mouscron, près de chez moi. J’y traine mon charmant époux qui m’accompagne pour me faire plaisir. Et là, on trouve porte close. Ah ouai, c’est vrai, ils commencent à prendre des mesures contre le Corona Virus. On n’entend parler que de ça à la radio, à la télé et sur les réseaux sociaux en ce moment : Covid 19 par ci, Covid 19 par là. Pfff, ils en font quand même des tonnes avec ce truc… Pas grave, me voilà chez Intersport, de l’autre côté de la frontière. Dans le magasin, c’est un peu le désert, niveau clients, et les vendeurs ont l’air de se tourner les pouces. Ils nous accueillent à coup de grands bonjours et de sourires. Je n’avais jamais remarqué qu’il y avait autant de vendeurs chez Intersport. Le jeune homme qui s’occupe de mes pieds et de leur bien être pour mes futures séances de running me glisse l’air de rien lorsque j’ai fait mon choix que je fais bien de les acheter aujourd’hui car ils vont bientôt fermer. Ah bon.
Samedi après-midi, je bosse à l’atelier, comme d’habitude. J’y accueille une charmante cliente qui participe à un de mes cours de patines. Ca se passe bien, on papote, on se détend et le temps passe.
Samedi soir, je rentre tôt à la maison, car on est invités à l’anniversaire de Gilou, un pote qui fête ses cinquante ans (et cela ne nous rajeunit pas !). Arrivés à la soirée, au début, on se salue de loin, en rigolant. « Ah non, moi je fais plus la bise à personne, depuis qu’il y a le Corona… » Et quelques coupes de champagne plus tard, on se retrouve tous sur la piste de danse à faire des rocks endiablés (ou pas) avec des mecs qu’on ne connait pas vraiment. Evidemment, on se quitte tous en se claquant deux bises. On a passé une bonne soirée.
Dimanche 15 mars, c’est le jour du premier tour des élections municipales. Vers 10 heures, je cours 6 kilomètres avec ma voisine. On croise beaucoup de joggueurs, beaucoup plus que d’habitude en fait. On apprend ce matin là aussi que tous les commerces non utilitaires doivent fermer leurs portes pour une durée indéterminée. Je devais ouvrir la boutique dimanche après-midi, je n’y vais pas. A la place, je vais voter (quand même, parce que j’ai hésité en fait) et passe le reste du temps vautrée dans le canapé à rattraper les émissions de La Maison France 5 en replay pendant que le reste de la famille s’occupe devant son écran respectif, qui à jouer aux jeux vidéos, qui à chatter avec ses potes, etc.
C’est le soir, en regardant les résultats des élections municipales à la télé que l’on mesure toute l’ampleur de la catastrophe. Le virus a gagné du terrain. Enormément. L’Italie est complètement confinée et doit choisir qui sauver et qui laisser mourir. L’Espagne les suit de près. L’Allemagne ferme ses frontières. On parle plus du virus que des résultats des élections.
Aujourd’hui, lundi 16 mars, je me réveille en me précipitant sur BFM pour avoir la température du monde. Pas glorieux. Ils parlent d’un confinement imminent pour la France, de catastrophe sanitaire, d’effrondrement économique…
Ce matin, on va faire notre plein de courses, comme tous les lundis. On choisit Carrefour plutôt que Leader Price, notre enseigne habituelle, parce qu’on pense qu’ils sont plus aptes à gérer le réapprovisionnement des rayons. On a rigolé en entendant que les gens se précipitaient sur les pâtes et le PQ. Au milieu des allées de Carrefour, on se rend compte que c’est vrai et on rigole moins : presque plus de pâtes (il reste les Barilla, allez savoir pourquoi) et plus du tout de PQ. Les gens, pas tous, mais beaucoup quand même, portent un masque et des gants en plastique. Devant cette psychose, je ne peux m’empêcher de m’équiper de mes gants en laine qui étaient restés dans mon sac depuis les sports d’hiver. Il semble y avoir deux profils de personnes : celles qui sourient dans les rayons, t’aident à attraper tes produits tout là-haut sur l’étagère et ceux qui, la mine déconfite derrière leur masque se précipitent pour être sûr d’avoir avant tout le monde de quoi manger. Tout pour leur gueule, les autres, ils s’en foutent. Je passe devant deux enployées de chez Carrefour qui ont l’air au bout de leur vie. Elles se hâtent de remplir les rayons immédiatement pillés. Elles me disent qu’elles sont du rayon textile normalement, et elles ont peur car on ne leur a pas donné de masque. Elles disent que les gens les traitent mal. Je les remercie d’être là et leur souhaite bon courage.
J’ai quarante six ans et jamais je n’aurai imaginé vivre une telle situation. Ressentir la peur chez son prochain, l’incertitude de ce de quoi demain sera fait. Peut-être le confinement total dans quelques heures. Cet après-midi, je suis allée à la boutique chercher mes outils et quelques pots de peinture. Je vais au moins essayer de produire des meubles dans mon garage et ma cave en attendant que ça passe. En espérant que ça passe…